Interview de Jah On Slide réalisée par email en mars 2002, parue dans Lean On Me! n°3       

     

Le CD "Tranquile, pastaga et rouflaquettes" avait plutôt été bien
accueilli par les magazines et fanzines ska-reggae. Vous avez fait pas mal de concerts l'automne et l'hiver dernier. Quel accueil le public a-t'il réservé à ce deuxième album?

Je pense que l'album a été relativement bien accueilli par la presse, en tout cas nous avons fait plus de 80 dates dans l'année et ça c'est le plus important, car le public était présent et ça nous à permis de franchir un cap.

Dans cet album, on pouvait redécouvrir quelques compos du groupe Goldfinger, il me semble. Allez-vous continuer à piocher dans le répertoire de ce groupe pour votre troisième album? 

Ce groupe dont tu parles, c'était notre premier projet artistique rien qu'à nous, bien avant qu'il y ait cette soit disant "mode ska" en France, car comme tu le sais, des groupes de "ska", ici y'en a un paquet... Enfin c'est ce qu'on dit, après faut voir sur le terrain. Nous avions repris We're coming et Sous les palmiers sur l'album "Tranquille, pastaga, etc.”. C'est exact, mais comment peux tu connaitre Sous les palmiers alors qu'il n'existait aucune version enregistrée? T'es fort, tu travailles pas à 52 sur la Une ?? Pour le nouvel album qui sortira début février 2002 nous reprenons le thême de "GOLDFINGER" car nous sommes fans de James Bond et de cet esprit so British!!

Le texte du morceau "Raggaporcif" est assez virulent envers une certaine partie de la scène reggae actuelle. Vous en avez eu des échos, on vous l'a reproché, où est-ce qu'il est passé inapperçu?
Je pense que tu parles de "Fashion reggae ragga" (Ouais, c’est d’çui là que j’parle! Putain, c’est ça de préparer des questions sans avoir la pochette du skeud sous les yeux... NdGreg) titre qui décrit un peu le comportement des groupes de reggae français que nous avons rencontré sur les routes. C'est vraiment dommage que cette très bonne musique soit autant souillée par des “acteurs" aussi mauvais. Pas forcément mauvais par le jeu mais par le comportement qui malheureusement est une vraie tromperie pour le public et un non-respect de cette culture reggae. Mais te leurres pas, il n'y a pas que les reggaemen français qui abusent. Que ce soit les jamaicains où les français, aucun n'a une morale, juste l'envie de biznesser sur le dos de Jah. Il faut pas rêver, la musique c'est du bizness, tu peux pas y échapper, mais je pense que tu peux te dévelloper sans faire la pute et sans pactiser avec le diable. Quand tu joues dans un festival avec les Gladiators, le mythe en prends un coup. Les mecs prennent un max de blé car c'est vrai que la France pour eux est une vraie pompe à fric, mais malheureusement ils ne justifient pas ce prix par leur prestation scênique. Aucun contact, pas de plaisir, juste la routine, des fonctionnaires du reggae, une heure passée à jouer avec les mêmes riddims, le chanteur qui se fait chier, les mecs prennent aucun pied alors qu'il y a 2000 personnes devant eux. Les mecs, à la fin du concert, si on peut appeler ça comme ça, rentrent la tête dans leurs godasses, complêtement blasés, comme s'ils sortaient de l'usine. Moi je pense qu'à ce niveau là, faut arréter. Et des trucs comme ça y en a à la pelle. Et après ils te saoulent avec leurs "postive man” !!!! Pour revenir au titre “Fashion reggae ragga”, le titre a eu son "succès", faisant rire certains groupes de reggae, pensant que l'on parlait certainement d'autres groupes mais certainement pas d’eux... En plus ils sont comiques ?!!!? Cette réponse ne s'applique pas, bien sûr, à tous car comme tu le sais il ne faut pas faire de généralités mais ça existe bien et il ne faut pas le nier. Dans tous les styles y a des blaireaux.

Est-ce que ce texte, en en changeant quelques passages, ne pourrait pas s'appliquer à une grande partie des groupes qui incorporent quelques contre-temps dans leur musique et disent jouer du ska, sans savoir grand chose de l'histoire de cette musique (sans savoir qu'il y a eu des groupes de ska avant Marcel et son Orchestre, en somme)?
Là, tu touches un point sensible. Pour tout t'avouer, le public n'est plus celui d'il y a 10 ans. On joue devant un public jeune qui ne connait pas forcément ce style ou du moins n'a pour référence que "les Skatalites", qu’ils connaissent de nom parce que ça fait bien, ou pour les avoir peut être déjà vu en concert. Cette génération ne cherche pas à découvrir d'autres groupes qui on fait l'histoire du ska, à comprendre ce style, quel message veut apporter le ska, etc... D'ailleurs, je pense que pour la plupart de ces jeunes, Marcel et la Ruda ont inventé ce style, qui d'ailleurs, concernant ces groupes, est loin d'être ska. Bien sûr, ont voit quand même des reds, des rude boys et rudes girls aux concerts, mais plus comme avant. Ils n'ont pas accepté que cette musique qui leur "appartenait" se retrouvent entre les mains de jeunes boutonneux en fin d'adolescence. Je pense que cette génération qui à une trentaine d'année aujourd'hui écoute sur ses platines ce que le ska à fait de mieux, et donc peu se déplacent aux concerts. Les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas notre public pour l'avenir et je pense que toutes les tribus reviendront de plus en plus, quand la "mode” passera... A la fois, les jeunes du public amènent aussi une certaine fraicheur à ce style et c'est pas mal non plus. Les choses évoluent et c'est normal.
Pour savoir si cette chanson pouvait s'appliquer aux groupes de ska, forcément oui, mais les textes seraient un peu différents et certainement plus durs. Car là, nous sommes tous issus du même moule, simplement nous, nous rejetons pas en bloc notre culture musicale. Ce que je veux dire, c'est que toute la mafia du ska français, ou du moins les 3/4, ont carrément zappé de leur esprit le fait qu'ils avaient tous découvert cette musique par la période Two Tone en Angleterre et par le biais de la scène alternative en France. Mais tous te diront aujourd'hui qu'ils avaient déjà à cette époque les 33 tours jamaïcains et ne se sont formés que sur ces riddims... Moi je pense qu'ils sont très forts !!! Ces groupes se sont fermés musicalement en voulant faire de la pâle copie du "jamaican style", voulant jouer les puristes. Et puis sans compter que pour eux, le revival c'est en dessous de tout artistiquement et que c'est certainement à la portée de tout le monde. Mais ils peuvent faire du trad. à fond les ballons, mais jamais ils n'auront le niveau des Specials ou des Selecter. Nous nous écoutons beaucoup de ska jamaïcain comme Don Drummond, Prince Buster, etc... Tous les disques sortis par Trojan etc... Et nous préférons jouer du revival, je ne vois pas le problème mais jamais nous cracherons sur telle ou telle époque qui à fait l'histoire de cette musique.

Dans une interview, Chas de Madness expliquait comment l'arrivée d'un public plus large et plus jeune avait dilué l'esprit originel et l'intensité des débuts du ska, comment le succès de son groupe avait attiré dans ses concerts des gens qui ne cherchaient que le côté "fête" de ces soirées, alors que les premiers concerts de Madness se passaient plutôt dans une ambiance très dure et tendue. N'y a-t'il pas un rapport avec ce qui s'est passé en France ces dernières années? Et quel est votre avis sur le sujet? Pour vous, un groupe de ska ne doit-il jouer que devant des puristes, ou bien chercher à élargir son public au risque de perdre ce qui fait une bonne partie (à mon avis!) de l'identité de cette musique -à savoir le côté "dur", musique de la rue, dansante mais "tendue"-?
Pour ce qui est du public, quand tu es musicien, tu fais déjà ce qu'il te plait musicalement et jamais tu ne sais quel va être ton public. Il se trouve qu'aujourd'hui en France, le public est plutôt un public jeune et que les reds, rude boys & girls, etc. ne sont plus trop présents. J'espere qu'ils reviendront et j'en suis convaincu. Je pense qu'un style musical n'appartient réellement à personne ou du moins appartient à ceux qui le kiffe et qui savent d'où il vient et quel message il veut faire passer. Il est beaucoup plus intéressant de rencontrer des gens qui connaissent ce style à la fin des concerts pour pouvoir échanger des points de vues et des idées. Comme je te disais plus haut, le mélange du public est aussi une bonne chose pour que le style se renouvelle et évolue. C'est un style qui à toujours évolué et donc pourquoi ça devrait s'arrêter? Ce que nous ne voulons pas, c'est que le ska soit considéré comme musique festive, nous ne voulons pas être considéré comme un groupe festif bien que nous ayons des morceaux comme ça mais nous n'abordons pas forcément que des thêmes réjouissants. D'ailleurs après reflexion, je dirai que nous ne sommes pas considérés comme cela, et ce qui explique que nous ne soyons pas aussi mis en avant que d'autres groupes qui font la fête, mais pas du ska. La presse joue son mauvais rôle là-dedans car quand tu lis des chroniques de gens qui n'y connaissent rien et qui marquent que tel groupe ne fais pas du ska car ce n'est pas festif ou que c'est vachement plus festif quand c'est chanté en espagnol, tu te demandes si c'est pas une blague!!!

Vous deviez jouer à Disney Land, je crois, et vous avez aussi joué à Genêve, lors d'un festival antiraciste en octobre dernier. C'est un peu le grand écart au niveau des publics, non? Auriez-vous quelques petites anecdotes à nous raconter sur ces deux soirées (ou sur d'autres!)?
C'est exact on a joué chez Mickey car on part du principe que pour pouvoir critiquer il faut savoir de quoi on parle. Et puis comme ça, ça nous faisait une expérience encore différente de ce que peuvent connaitre la plupart des groupes. On savait très bien où on allait car, pour la plupart, on habite juste à côté et on savait que nous serions en plein décalage avec ce monde "féérique”. On comprends toujours pas comment ils ont pu nous contacter. Déjà, pas de bol, on part de chez nous et notre camion qui rend l'âme, bref gros deuil pour commencer la soirée. Mais bon, on arrive et tout de suite on te donne des horaires à suivre scrupuleusement, pour jouer, bouffer, pisser, etc. Nous, bien sûr, morts de rires car on sait comment ça se passe au sein du groupe: c'est “tranquille, pastaga et rouflaquettes”, même qu'on voulait faire une partie de pétanque qui nous à été refusée. On fait les balances devant les gens qui passent avec leurs oreilles de Mickey sur leurs têtes, des putains de barbapapas comme t'as jamais vu, les musiques des dessins animés de Disney à donf pour bien bourrer le crâne des mômes, et puis d'un seul coup un jingle avec un mélange de Madness et Jah On Slide avec un putain d'accent américain annonçant une des attractions de la soirée, en somme le concert de Jah On Slide. Tout semblait irréel, c'est magique Mickey... Bref, c'est l'heure d'aller bouffer à la cantine et là, y a plus ou moins quelqu'un qui te surveille pour voir si c'est pas le bordel. En gros, t'es considéré comme une attraction et pas comme quelque chose de culturel. Je plains et je suis plein d'admiration pour tout ceux qui, tous les jours, doivent mettre leur uniforme et distraire le public en sachant que tu es considéré comme un numéro ou un chien. Bon, on va pas s'étendre sur ça mais c'est un grand moment de n'importe quoi, à la limite du ridicule pour ceux qui gèrent ces endroits (si tu veux je te ferai écouter le jingle). Sinon pour Genêve, par quoi commencer? C'est tellement proche de ce que l'on aime, de ce que nous sommes, de ce qu'on aimerait voir en France. Tu sais aussi pourquoi tu es là, le message est clair et laisser notre empreinte à ce genre d'évênements est très important pour nous. En plus le public est terrible avec une vraie connaissance des styles punk, ska, oi!, etc. Mêmes les jeunes ont cette culture, cette connaissance et puis ils viennent de partout, c'est de la folie. On remercie entre autre Stef de Rude Boys Unity pour nous faire vivre ces moments.

Pouvez-vous nous parler un peu du troisième album qui va bientôt sortir? A quoi doit-on s'attendre? Le guitariste va-t'il enfin pouvoir se lâcher avec quelques solos un peu métal ou est-ce que vous allez encore l'obliger à cacher sa vraie personnalité et faire semblant d'aimer jouer du ska?
Pour le troisième album, ce sera je pense plus revival avec une meilleure production, du moins plus proche de ce qu'on voulait, c'est à dire un son genre années 80, pour rendre hommage à cette fameuse période qu'est le Two Tone. Mais bon, ce n'est pas une copie du style, simplement des morceaux originaux de Jah On Slide, et leur savoir faire. On pense vraiment que c'est le plus abouti des 3 albums. Alors écoutez à burne "DANGER AND PRESSURE" sans danger ni pression! Pour Fred (le guitariste), je ne comprends pas pourquoi tu dis qu'il kiffe pas le ska, arrêtes tes conneries, c'est ce qu'il préfère avec le punk. Et puis Fred, c'est quand même le seul punk babacool que je connaisse... Alors le métal, c'est loin de lui. Non mais par contre, si tu viens à un de nos concerts, tu verras que la gratte est peut être plus mise en avant par des interventions à la Roddy Radiation ou dans le genre.
                                                                                                                   

 Une question qui me tracasse: de Danny Wild et Brett Sinclair, quel est votre préféré? Et pourquoi, bien sûr?
Tu peux pas choisir, les deux ne font qu'un !!! Danny c'est un lover, un p'tit rigolo, un bon vivant quoi !! Et Brett, c'est le côté "classe à l'anglaise", le mec posé qui n'hésite pas à mater un bon petit fessier discretos. On s'approche de la perfection !! Et toi quel est ton préféré ? (Ben celui qui ramasse toutes les nanas, Brett, évidemment, c’te question... NdGreg)

Quelque chose à rajouter? Un message ou une annonce à faire passer?
Merci à tout ceux qui nous soutiennent, à tous ceux qui nous soutiendront, à tous ceux qui restent indépendants et qui ne se font pas abuser des gros méchants. Aux fanzines comme le tien, aux gens comme toi fidèles au poste malgré une fausse mode ska à 2 balles. Merci Messieurs Dames!!!!!!!!!!!!!!!!


contact : Big 8 Records  06 64 16 11 13

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